La séduction traumatique
Loyauté et dette de vie sont liées. En effet, un enfant doit la vie à ses parents, il est en dette vis-à-vis d’eux ; il cultive le sentiment qu’il doit la vie à ses parents et c’est d’ailleurs ce qui est vrai bien sûr. Comme dit « le prophète Khalil Gibran », « vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et filles de l’appel de la Vie à la Vie. Ils viennent à travers de vous mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne sont pas de vous. Vous pouvez leur donner votre amour, mais pas vos pensées. Car ils ont leurs propres pensées… »
Reconnaître les besoins de son enfant est un premier pas vers l’acquisition de son autonomie. Reconnaître qu’il peut avoir des besoins autres que les siens, lui reconnaître le droit d’exister pour lui et non pour ses parents.
« De la loyauté paradoxale à la psychopathologie du lien » : tel est le titre d’un paragraphe écrit par Yves-Hiram Haesevoets ou « l’exploitation inconsciente du conflit de loyauté comme processus d’aliénation ».
La loyauté relève du processus d’attachement : on respecte certaines règles des parents. Cette loyauté qui fait sens peut se transformer en une dette impossible à rembourser quand elle requiert un abandon des propres besoins de l’enfant, quand on demande à l’enfant inconsciemment à l’enfant de combler les failles narcissiques de ses parents, lorsque l’enfant sent qu’en étant vraiment lui-même, il mettra en danger ses parents. C’est ce que j’ai ressenti en grandissant, en allant déjeuner tous les dimanches chez mes parents, même adulte, car je sentais que c’était douloureux pour ma mère que ses filles partent. J’ai dû ressentir la même chose enfant. On m’avait assigné le rôle d’une petite fille qui s’assoit tous les dimanches à côté du gentil professeur érudit et grand ami de mes parents, petite fille sage qui entendait les blagues salaces de ses parents qui riaient à gorges déployées. Comment aurais-je pu leur dire que ce grand homme me violait chaque semaine dans son bureau en me faisant regarder des revues de sous-vêtements féminins ? J’ai été capable de jouer le rôle que l’on m’a assigné mais au détriment de ma santé mentale. Je suis devenue anorexique, je suis devenue comme « chosifiée par mon système familial, comme phagocytée psychiquement. »
Comme l’exprime le Dr Coutanceau, « le paradoxe essentiel consiste en ce qu’objet, sujet ou relation n’existent qu’en n’existant pas. » J’ai vécu ainsi une ambiance incestuelle, mes parents me montraient comme un objet, une poupée que l’on fait monter sur la table pour qu’elle chante, objet de culte (élève studieuse), double narcissique de mes parents (de ma mère notamment qui n’avait pas pu étudier), fonction réparatrice et consolatrice d’un attachement défaillant de leurs propres parents.
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